Sur un mauvais sentier qui serpente au milieu des rizières marche un jeune garçon. Il avance à petits pas rapides. Il porte avec précaution un bol de riz. Il est fatigué. Mais il continue, car il va nourrir son père.

Nguyen Van Vong a quatorze ans, il est vietnamien, il est catholique. Parce qu’il est catholique, il subit, comme tous les catholiques vietnamiens de son temps, la terrible législation impériale. L’empereur Tu Duc cherche depuis des années à détruire le catholicisme vietnamien. En 1860, la législation Phan Sap réduit en esclavage tous les catholiques. Les familles sont disloquées : les pères et les adolescents sont envoyés travailler chez des fermiers bouddhistes comme esclaves agricoles, tandis que les femmes, les filles et les jeunes enfants deviennent esclaves domestiques.

Séparés du reste de leur famille, Vong, qui est l’aîné, et son père Danh sont envoyés travailler dans les rizières. Comble de malheur, ils ne travaillent pas au même endroit, mais sont expédiés dans deux exploitations distantes de dix kilomètres. Si Vong se retrouve chez un maître qui le traite correctement, en lui donnant une nourriture suffisante et un repos raisonnable, Danh tombe sur une brute qui fait travailler ses prisonniers comme des bêtes en leur rationnant la portion de riz. À ce régime, Danh ne tiendra pas plus de quelques semaines.

Vong l’apprend par son maître qui a pitié du garçon. Vong est jeune, mais il a le sens des responsabilités. Il demande à son maître de pouvoir aller, chaque matin, avant sa journée de travail, porter à son père la moitié de sa ration de riz. Le maître accepte. Cinq années durant, chaque matin, quelle que soit la saison et sans y manquer une seule fois, Vong parcourut à pied les vingt kilomètres pour donner à son père un peu de sa propre nourriture. Grâce à Vong, Danh survécut.

Normalement, ce sont les parents qui nourrissent les enfants. Dans cette situation dramatique, Vong fut la Providence de son père. Vong nous donne un lumineux exemple de la mise en pratique du quatrième commandement : Tu honoreras ton père et ta mère. Le jeune homme se sacrifie (son temps, sa force, sa nourriture) pour rendre à son père l’honneur et l’amour qu’il lui doit. De nos père et mère, nous avons reçu quelque chose que jamais nous ne pourrons leur rendre : la vie. Et pour cela, nous leur devons notre vie durant respect, obéissance, affection et reconnaissance.

Père Augustin-Marie
billet paru dans Actuailes, le bimensuel d’actualités des 10-15 ans