« Benoît XVI, si humble et si grand. »

Mes bien chers frères, rassurez-vous, je ne me suis pas trompé de fête. Mais ce titre d’un numéro spécial du Figaro Magazine s’applique bien à celle que nous fêtons aujourd'hui : « Sainte Catherine de Sienne, si humble et si grande. »


Humble et presque méprisable, elle peut paraître ainsi à des yeux purement humains : elle n’avait pas d’enfants, elle ne s’était pas mariée, elle n’était même pas vraiment religieuse, car elle vivait, en tant que simple tertiaire dominicaine, dans une chambre de la maison paternelle. Elle ne savait pas écrire, était presque toujours malade, et se faisait traiter durement par sa famille qui ne la comprenait pas, et son action publique fut plutôt un échec.


Si humble aux yeux des hommes, mas si grande devant Dieu. De ses grandeurs, nous allons en retenir trois ce matin : sainte Catherine était grande par sa vie intérieure, grande par sa maternité spirituelle, et grande par son amour de l’Église.

I. D’abord sa vie intérieure.

Cette vie a commencé très tôt.

Un soir de l’été 1352, Catherine, âgée alors de six ans, et son frère Stefano, arpentent les rues de Sienne pour regagner la maison paternelle après une visite chez une de leurs sœurs mariées. Mais, en haut de la descente de la Valle Piata, Catherine s’arrête brusquement. Car, et ici je cite son confesseur et biographe, le bienheureux Raymond de Capoue : « La sainte petite fille, ayant levé les yeux, aperçut de l’autre côté de la vallée, au-dessus de l’église des dominicains, un trône magnifique, et sur ce trône siégeait le Sauveur du Monde, Notre-Seigneur Jésus-Christ, revêtu d’habits pontificaux, ayant sur la tête une tiare, c’est-à-dire la triple couronne des papes. » Par la suite nous apprenons que le Rédempteur du Monde, abaissant son regard sur la petite fille, lui sourit, étend sa main droite et trace par trois fois le signe de la croix sur elle, à la façon des évêques.


Des faveurs bien plus extraordinaires encore, sainte Catherine en a reçu des dizaines : locutions, apparitions, pouvoir de faire des miracles (ressusciter des morts), stigmates ; à la fin de sa vie Notre-Seigneur Jésus-Christ lui a même enlevé son cœur de chair pour mettre le sien à la place.


Évidemment, il ne convient pas de mépriser ces faveurs, mais il faut tenir, avec saint Thomas, que l’essentiel n’est pas là. La vie intérieure de sainte Catherine fut grande avant tout par le développement prodigieux de la grâce sanctifiante et de la charité dans son âme. Et à cela, chacun de nous est appelé, et en cela sainte Catherine peut et doit être imitée par nous ; nous devons rechercher la croissance extraordinaire de la charité en nos âmes par les moyens ordinaire de la vie spirituelle : eucharistie et confession fréquentes, vie de prière, amour du prochain et pénitence.


Pourquoi alors tous ces faits merveilleux dans sa vie ? Toutes ces faveurs extraordinaires ont été données à sainte Catherine pour lui faciliter sa mission terrestre au service des âmes.

II. Cela nous mène à la deuxième grandeur de sainte Catherine : elle fut grande par sa maternité spirituelle sur les âmes.

Sous l’impulsion de l’apparition de ses six ans, Catherine fit vœu de ne jamais accepter d’autre époux que Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même et de garder à cette fin sa virginité perpétuellement intacte.


Mais voilà, quelques années plus tard, la petite fille est devenue une belle jeune femme, et sa famille, ne sachant rien de son vœu, et surtout ne voulant rien en savoir, commence à chercher un époux pour elle.


Je cite encore le bienheureux Raymond de Capoue : « Ses parents et ses frères commencèrent à s’inquiéter de l’époux auquel ils pourraient l’unir, pour leur plus grand avantage. Sa mère en particulier, se réjouissait du gendre distingué que la sagesse de sa fille allait lui procurer. » Et le bienheureux d’ajouter avec humour : « Mais ce gendre devait être encore bien plus grand que sa mère ne pouvait l’imaginer. »


Si Notre-Seigneur a fait renoncer Catherine aux immenses biens du mariage et de la maternité humaine, c’est pour la garder libre en vue d’un bien encore plus grand, celui de la maternité spirituelle sur les âmes.


Cette maternité spirituelle, sainte Catherine l’exerçait au plus haut degré : elle engendrait les âmes de ses enfants spirituels à une vie chrétienne fervente, les nourrissait du lait de la pure doctrine quelle avait apprise chez les dominicains, et devenait en eux la mère d’une famille spirituelle nombreuse, les fameux Caterinati.


Ses nombreux disciples ne s’y trompaient pas. Car ces pauvres, jeunes gens de la noblesse toscane, femmes mariées, veuves, religieuses, prêtres, et même évêques et cardinaux l’appelaient familièrement « maman », « nostra dolce mamma » – « notre douce mère ».


Voilà, mes bien chers frères, nous pouvons, non seulement imiter chez sainte Catherine sa vie intérieure, mais aussi son estime pour la virginité consacrée. Demandons à sainte Catherine qu’elle nous obtienne pour sa fête une très grande estime pour la virginité consacrée, pour la maternité spirituelle et pour la vie religieuse féminine. Demandons dans la sainte communion à Notre-Seigneur d’appeler de très nombreuses jeunes filles à renoncer aux biens du mariage pour devenir des mères qui enfantent des âmes à l’Église.

III. Et nous voilà à la troisième grandeur de sainte Catherine : celle de son amour pour la sainte Église romaine.


« Seigneur, votre Église nous semble une barque prête à couler, une barque qui prend l’eau de toute part. Et, dans votre champ, nous voyons plus d’ivraie que de bon grain. Les vêtements et le visage si sales de votre Église nous effraient. » Ces paroles ont été prononcées le Vendredi Saint 2005 par le cardinal Joseph Ratzinger et gardent, hélas, toute leur actualité.


Mais, si ces problèmes sont actuels, ils ne sont pas nouveaux. Il y a bientôt 700 ans, Notre-Seigneur Jésus-Christ a décrit les mêmes problèmes, en utilisant presque les mêmes termes que Benoît XVI. Dans une vision, il montre à Catherine l’Église sous la forme d’une femme dont la face est salie et comme rongée par la lèpre. Il lui explique que ces souillures, ce sont les péchés des ministres de l’Église, mais aussi ceux de tous les chrétiens (cf. Dialogue, ch. 86).


Si Notre-Seigneur a montré cette vision à sainte Catherine, ce n’était pas pour la décourager, mais pour rendre plus ardents sa prière et ses sacrifices. Je cite le chapitre 86 du fameux Dialogue ; c'est Notre-Seigneur qui parle : « Sans cesse, fais monter vers moi l’encens de prières parfumées pour le salut des âmes, car je veux faire miséricorde au monde. Avec tes prières, avec tes sueurs, avec tes larmes, je veux laver la face de mon épouse, la sainte Église. »


Dans la décadence actuelle de larges parties de l’Église visible, Notre-Seigneur nous demande la même chose : les scandales moraux et la confusion doctrinale dont nous sommes les témoins, doivent nous rendre plus ardents dans la prière et dans le sacrifice. Ainsi, ces mots prononcés il y a 700 ans par Notre-Seigneur s’adressent à chacun de nous personnellement :


« Prends tes sueurs, prends tes larmes, puise-les dans l’océan de ma charité, et avec elles lave la face de mon épouse, la sainte Église. Je te promets que ce remède lui rendra sa beauté. Ce n’est ni le glaive, ni la guerre, ni la violence qui lui rendrait sa beauté, mais la prière douce et humble, les sueurs et les larmes répandues par mes serviteurs avec un désir ardent... Ne craignez pas les persécutions du monde ; je serai toujours avec vous, et ma Providence ne vous manquera jamais » (ch. 15).

Fr. Jourdain-Marie GROETZ