Le 13 juillet 1917, la Vierge Marie a montré aux trois enfants de Fatima le feu de l’enfer. Cette vision les a marqués pour la vie. Mais il y a une chose qui les a encore davantage impressionnés, c’est le regard plein de tristesse et de douleur de Notre-Dame. Lucie écrira plus tard : « Même si je devais vivre mille ans, je le garderai toujours imprimé dans mon cœur. »

C’est ce regard qui nous introduit dans le mystère des sept douleurs de Notre-Dame.

I. Qui est Marie ?

Marie est avant tout mère. C’est le mot qui la dit le mieux. Tous les autres titres (Immaculée Conception, Reine des Cieux, Vierge des Vierges, Refuge des pécheurs, etc.), elle ne les possède que parce qu’elle est la Mère de Dieu.

Or il n’y a pas d’union plus étroite que celle d’un enfant avec sa mère.

C’est vrai déjà au plan physiologique : pendant la grossesse, une même vie coule dans les membres de la mère et de l’enfant ; une même nourriture les fait vivre ; quand la mère est malade, l’enfant tombe malade aussi. Toute mère peut donc s’écrier à la naissance de son enfant : « os de mes os, chair de ma chair ! »

Mais être mère, ce n’est pas seulement accueillir un enfant dans sa chair, c’est aussi l’accueillir dans son cœur. Ce lien du cœur demeure toujours si ferme après la naissance, que aussitôt l’enfant est agité, les entrailles de la mère sont émues. De telle sorte que toutes les joies et toutes les douleurs de l’enfant sont en même temps les joies et les douleurs de la mère.

Ceci est vrai pour toutes les mères, mais c’est encore plus vrai pour la Mère de Jésus. Car Marie est la plus aimante de toutes les mères et son fils est le plus aimable de tous les fils. Chez une mère autre que Marie et un fils autre que Jésus, l’amour, et donc l’union des cœurs, est toujours atténué par le péché (péché originel et péchés personnels). Mais entre les cœurs de Jésus et de Marie, l’union est parfaite, car l’amour est parfait.

Par conséquent, Marie participe pleinement à toutes les joies mais aussi et surtout à toutes les douleurs de son Fils. Tous les tourments que Jésus endure dans son corps, Marie les endure dans son cœur.

Maintenant nous comprenons mieux ce que Lucie a aperçu dans le regard plein de tristesse de la Vierge. C’est le mystère de son Cœur Immaculé et douloureux en union avec le Cœur couronné d’épines de son Fils.

II. Quelles sont les causes extérieures des douleurs de Marie ?

Comme le symbolise le nombre sept, les douleurs de Marie sont légion. Mais il y en a une qui surpasse toutes les autres : c’est le glaive qui transperça son cœur selon la prophétie du prêtre Siméon.

Qu’est-ce que ce glaive ? De quoi est-il le symbole ?

Vous savez que le Fils de Dieu a pris une chair humaine pour pouvoir s’offrir en victime d’holocauste à Dieu le Père, pour le salut du genre humain.

Bien sûr, en premier lieu Jésus s’offre lui-même à Dieu le Père : « Ma vie, nul ne la prend mais c’est moi qui la donne » (Jn 10,18). Mais de même que Dieu n’a pas voulu que Jésus naisse sans la libre collaboration de Marie, de même il n’a pas voulu que Jésus s’offre pour le salut du monde, sans le libre consentement de Marie. « Dieu n’avait pas voulu que son Fils devînt le Fils de Marie sans qu’elle y eût expressément consenti ; il ne voulut pas non plus que Jésus sacrifiât sa vie sans le consentement de Marie, afin que dans un seul et même sacrifice fussent immolés à la fois la vie du Fils et le cœur de la Mère. » (Saint Alphonse de Liguori)

Maintenant nous comprenons mieux quel est ce glaive dont parle Siméon. Ce glaive est suspendu sur la tête de l’Enfant-Jésus depuis sa naissance : c’est la Croix. Et avec ce glaive est suspendu le salut du monde, jusqu’à ce que Marie prononce son fiat pour offrir son fils sur la Croix. Ce que Dieu n’a pas demandé à Abraham, à savoir immoler son propre fils, il l’a fait lui-même et il l’a demandé à Marie. « Dieu a tant aimé le monde, qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point mais ait la vie éternelle.» (Jn 3,16). C’est à ce même sacrifice que Marie doit consentir. Après le fiat joyeux de l’Annonciation, voici le fiat douloureux de la Croix, qui fait que le glaive de la Croix qui immole Jésus, transperce le cœur de sa Mère et lui cause une douleur dont saint Thomas dit qu’elle touche à l’infini : la douleur d’immoler par son consentement son propre fils.

Pourquoi Dieu veut-il que Marie immole son propre Fils ? C’est parce qu’il n’aime aucune créature davantage que Marie et il veut lui donner la gloire unique d’avoir joué un rôle irremplaçable et déterminant dans le drame de la Rédemption. Dieu voulait faire de sa sainte Mère la corédemptrice du genre humain.

III. Notre réponse

Le mystère de Cœur Immaculé et douloureux de Marie, que Lucie a entrevu dans le regard affligé de Notre Dame, nous montre l’amour de Dieu pour Marie et l’amour de Marie pour nous.

Quelle doit être notre réponse ? Nous sommes les enfants de Marie, et quand notre mère est triste, nous devons la consoler.

1° Il faut consoler Notre Mère du Ciel en lui disant toute notre reconnaissance de nous avoir donné Jésus deux fois : une fois par le fiat joyeux de l’Annonciation, et une fois par le fiat douloureux du Calvaire. Il faut lui dire merci de nous avoir, en tant que corédemptrice, rendu la vie de la grâce. Pour cela il n’y pas de meilleur moyen que celui que Notre Dame elle-même nous a indiqué à chacune des sept apparitions de Fatima : « Je veux qu’on dise le chapelet tous les jours ! » Sept fois elle demande qu’on dise sept fois par semaine le chapelet, pour consoler Marie de ses sept douleurs.

2° Il faut pleurer avec ceux qui pleurent, dit saint Paul (cf. Rm 12,15). Pour consoler Notre-Dame, nous devons pleurer avec elle. Car si Marie est toujours triste, alors que la Passion est terminée et son Fils ressuscité, c’est parce que les hommes continuent à offenser Dieu : «  Vois, ma fille, mon Cœur entouré d’épines que les hommes ingrats y enfoncent à tout moment par leurs blasphèmes et leurs ingratitudes » (Apparition de Notre-Dame à Sœur Lucie le 10 décembre 1925 à Pontevedra). Notre Dame est triste à cause de nos péchés. Avec Marie, il faut donc pleurer nos péchés, non pas avec les larmes mondaines d’un dépit stérile, mais avec les larmes du repentir qui nous mène au confessionnal. Nota bene : Pour bien se confesser il faut se confesser souvent; en général, au moins une fois par mois.

3° Mais ce n’est pas suffisant : pour consoler Notre-Dame, il ne suffit pas de pleurer nos péchés et de nous en repentir, mais il faut aussi les réparer, les nôtres et ceux des autres. C’est une demande explicite de Notre Dame. Le moyen tout indiqué pour cela est la communion réparatrice des premiers samedis du mois : Notre Dame promet le salut à tous ceux « qui, pendant cinq mois, le premier samedi, se confesseront, recevront la Sainte Communion, réciteront un chapelet et me tiendront compagnie pendant quinze minutes en méditant sur les quinze mystères du Rosaire, en esprit de réparation. » (Apparition du 19 décembre 1925).

Les moyens sont à notre disposition, à nous de les prendre.

Père Jourdain-Marie Groetz