Durant les trois premiers dimanches du mois d’octobre nous avons vu les origines du saint Rosaire. Nous avons vu pourquoi il faut le prier et nous avons vu les fruits qu’il porte. Ce matin nous allons nous poser cette question : Comment bien prier le Rosaire ? Pour répondre à cette question, nous allons distinguer trois manières de pratiquer la dévotion du Rosaire :

-          le chapelet métro,

-          le chapelet grain d’encens,

-          et le Rosaire chaîne d’or.

1° Le chapelet métro.

Vous connaissez peut-être l’histoire d’un homme qui demande à un prêtre s’il peut fumer pendant qu’il prie. Réponse du prêtre (il paraît que c’était un jésuite) : « Cher Monsieur, vous ne devez pas fumer pendant que vous priez, mais rien n’empêche de prier pendant que vous fumez. »

Dans la voiture ou dans le train, en allant à l’école ou au travail, en salle d’attente chez le médecin, ou bien encore pendant une séance de repassage ou de jardinage, on peut réciter le chapelet. C’est simple. C’est facile. Et c’est même reposant.

Ces chapelets à la volée, sont très agréables à Dieu.

Pourquoi ? Parce qu’ils nous font effectuer en Marie, pour Marie et par Marie, les humbles tâches de notre vie quotidienne. Pendant que je marche, que je conduis, que je travaille, je prie dans un contexte marial et je me laisse porter par la répétition des Ave Maria, au-delà de toute démarche intellectuelle.

Cette manière toute simple, a reçu l’approbation de Notre Dame. Elle a enseigné à un grand apôtre du Rosaire, le bienheureux Alain de la Roche, que c'est un service qui lui est fort agréable, que de réciter, simplement réciter, cinquante salutations angéliques.

2° Le chapelet grain d’encens

Mais notre dominicain ajoute aussitôt : « Le Rosaire est encore davantage agréable à Marie, et ceux-là feront encore beaucoup mieux qui réciteront les salutations avec la méditation de la vie, de la passion et de la gloire de Jésus-Christ, car cette méditation est l'âme de ces oraisons. »

Prier le chapelet en méditant sur les mystères, c’est la deuxième manière de pratiquer le saint Rosaire. On peut appeler cette manière, le chapelet grain d’encens.

Il tire son nom de son cadre matériel : on ne profite pas d’une occupation profane pour la sanctifier par un chapelet superposé, mais on prend sur sa journée 20 minutes, pour les consacrer à la prière du chapelet. Ces vingt minutes sont comme des grains d’encens qu’on jette sur un brasier, et qui montent vers Dieu en sacrifice d’agréable odeur. Comme l’encens, ces vingt minutes de notre temps si précieux sont entièrement consommées pour Dieu seul.

Ce cadre non seulement nous permet de réciter le chapelet, mais encore de le méditer.

Mais attention. Le mot méditation est trompeur. Il ne s’agit pas de discourir intérieurement à propos des scènes de la vie de Jésus. Il ne s’agit pas de se fatiguer par un effort pour faire une sorte de dissertation pieuse sur tel ou tel mystère. Mais il s’agit de regarder avec les yeux de notre âme les quinze ou vingt tableaux de la vie de Jésus que le Rosaire nous présente.

Pour cela nous pouvons faire précéder la récitation de la dizaine, de la lecture d’une phrase appropriée de l’Écriture Sainte, ou de la lecture d’une courte médiation, ou simplement d’un temps de silence contemplatif.

Cette union aux mystères de la vie du Christ par le moyen du chapelet est d’une puissance de sanctification extraordinaire : saint Thomas enseigne que chaque mystère de la vie du Christ contient une vertu secrète. Et cette vertu secrète est communiquée à ceux qui s’unissent à ce mystère. Quand par exemple je médite sur le mystère de la naissance du Christ, Jésus me communique son amour de la pauvreté évangélique. Quand je m’unis par le Rosaire au mystère de son couronnement d’épines, Jésus me communique son humilité.

Et dans chaque mystère il me communique surtout sa grâce, qui est une participation à la vie même de Dieu.

3°Le chapelet chaîne d’or

Si l’union aux mystères de la vie du Christ nous sanctifie ainsi, il faudrait que cette union ne se réduise pas à un intermède de 20 minutes par jour. Saint Paul ne nous dit-il pas qu’il faut prier sans cesse ? À cette union continuelle aux mystères de la vie du Christ, la troisième manière de pratiquer le saint Rosaire peut nous conduire.

Nous pouvons consacrer à un des 15 mystères chaque heure de notre journée, tantôt en surajoutant une dizaine à nos occupations à la manière du chapelet métro, tantôt en réservant trois minutes à la manière du chapelet grain d’encens.

Prenons l’exemple d’une mère de famille. Dès qu’elle se lève, après avoir offert sa journée, récite en le méditant le 1er mystère joyeux du Rosaire. Une heure plus tard, quand elle conduit les enfants à l’école, elle prie le deuxième mystère joyeux avec les enfants dans la voiture. De retour à la maison, elle prend trois minutes pour méditer le mystère de la naissance de Notre Seigneur et ainsi de suite pour chaque heure de la journée.

Même si on est très occupé, on peut sans trop de difficulté prier ainsi tout un rosaire dans la journée.

Quelle que soit l’occupation à laquelle je me livre pendant chacune de ces heures, je laisse résonner le mystère correspondant en moi. Je le porte en moi comme un tableau intérieur. Bien sûr, le souvenir du mystère sera plus ou moins actuel, selon que mon occupation extérieure est plus ou moins absorbante, mais même si je n’y pense pas toujours distinctement je reste en communion avec le mystère.

Avec un peu d’entraînement, on arrive à agir continuellement en union avec Jésus et Marie. De cette manière, le Rosaire devient, non pas un épisode au milieu de nos occupations profanes, mais une véritable chaîne mystique, chaîne d’or qui relie entre elles toutes les heures de ma journée et qui relie à Jésus par Marie, toutes nos occupations.

Conclusion :

Rosaire métro, rosaire grain d’encens, rosaire chaîne d’or. Chacune de ces méthodes a sa valeur, chacune de ces méthodes nous introduit petit à petit dans ce que saint Louis-Marie Grignion de Montfort appelait « le secret admirable du très saint Rosaire ».

Quel est ce secret ? Il peut se dire en une phrase, mais il faut toute une vie pour vraiment le comprendre : « Aller à Jésus par Marie, et aller à Marie par le très saint Rosaire. »

« Soyez persuadé que plus vous regarderez Marie […] par le moyen du très saint Rosaire, sinon d’une vue distincte et aperçue, du moins d’une vue générale et imperceptible, et plus parfaitement vous trouverez Jésus-Christ, qui est toujours, avec Marie, grand, puissant, opérant. » (saint Louis-Marie Grignion de Montfort)

Sermon donné pour le mois du Rosaire 2018,
par le Père Jourdain-Marie Groetz