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Lumière dans les ténèbres

Cléry, dimanche 4 novembre 2018

Sermon de la messe de clôture de la Route annuelle Europa-Scouts à la Basilique de Cléry

Par le Père Augustin-Marie Aubry

Guide Aînée, Routier,

Il y a trois jours tu as quitté la ville et tes occupations ; tu as rejoint les bois pour te souvenir que la pluie mouille, que le feu brûle, que la route est longue, que le sac est lourd, que la nuit est froide, que les étoiles sont belles, que l’amitié est un don précieux, que le service dilate le cœur, que le chant est une prière et que la prière est un bien de première nécessité.

Tu aurais pu apprendre ces choses chez toi, bien au chaud, sans quitter ton confort. Tu as préféré les expérimenter en vérité. Et te voilà fatigué, sale et heureux de ta découverte (ou redécouverte), car si l’homme est un animal rationnel, il est aussi oublieux. Les choses les plus belles, nous les oublions malheureusement.

Pour faire cette expérience de la Route et du Feu, il a fallu trancher. Dans ton agenda, dans tes rendez-vous, dans tes amitiés, dans tes soucis, dans tes engagements. Tu as dit en ton cœur : Cléry ou rien ! Cléry ou la mort ! Au terme de ces quatre jours, ton cœur est seul juge de cette décision. La récompense est donnée à celui ou celle qui a tranché.

Première leçon : si je ne tranche pas, je ne choisis pas. Si je ne choisis pas, je n’aime pas. Si je n’aime pas, mon cœur est vide et je ne vaux rien. Car nous serons jugés sur l’amour. Donc, pour avoir quelque valeur, il faut trancher. Il faut savoir séparer.

Ce que Dieu fit au commencement. « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre » (Gn 1, 1). Le premier acte de Dieu est un acte de séparation. En créant, il tranche, il sépare, il divise, il distingue. Ciel et terre, lumières et ténèbres, terres et mers, arbres et herbes, soleil et lune pour présider au jour et à la nuit, reptiles et oiseaux, bestiaux, bestioles et bêtes sauvages, homme et femme. L’harmonie du cosmos sortie des mains de Dieu assume cette variété dans l’unité. Dieu aime la distinction. Et cette distinction enchante notre esprit qui contemple le monde.

As-tu remarqué combien l’esprit du temps est comme une anti-genèse, qui distille et répand la confusion ?

- entre l’homme et la femme, par les théories du genre ou le féminisme d’inspiration néo-marxiste ;

- entre l’homme et l’animal, par les théories anti-spécistes et leurs avatars végans ;

- entre vie et mort, par les lois dites « sociétales » : avortement conçu comme un droit absolu, euthanasie conçue comme un progrès social.

Dans cette confusion, il y a oubli et refus d’une parole éternelle : « Faisons l’homme à notre image, comme notre ressemblance » (Gn 1, 26). L’homme est image de Dieu. L’homme est conçu selon un exemplaire. L’idée selon laquelle l’homme se construit lui-même à sa guise n’est pas biblique, elle n’est pas vraie, elle est fausse. L’homme reçoit de Dieu la norme de sa conduite, c’est en la découvrant et en la pratiquant que l’homme est heureux.

De même que Dieu a séparé et distingué, de même l’homme, image de Dieu, doit trancher, séparer, diviser. La division fondamentale de notre action, elle est entre le bien et le mal. Il est un combat éternel : entre confusion et distinction.

***

Que signifie Cléry dans ce monde de confusion ? Quel sens donner à ces quatre jours de marche, de prière, d’effort et d’amitié ? La distinction au milieu de la confusion. C’est le sens du feu qui jaillit dans la clairière et qui fait naître la lumière au milieu des ténèbres. C’est le sens de la fourche du routier, qui symbolise le Bien et le Mal entre lesquels il faut sans cesse choisir. Le Cérémonial du Départ ajoute : « Pour Dieu, choisis bien toujours ».

Voici une belle, une grande, une noble mission : apporter lumière et distinction dans un monde de ténèbres et de confusion. Et notez qu’une minuscule veilleuse suffit à percer les ténèbres ; un seul regard, un simple geste de la main suffit à indiquer la bonne route à la croisée des chemins.

Guide Aînée, Routier, à Cléry tu n’es pas venu que pour toi. Tu es venu aussi pour tous ceux qui attendent – en le sachant ou non – que tu sois pour eux lumière et guide, secours et pilier.

Tu le feras sans arrogance, car tu sais de quelle boue tu as été formé et tu connais tes faiblesses.

Tu le feras avec persévérance, acceptant d’emblée que souvent la lumière ne soit pas vue, que le conseil ne soit pas entendu.

Tu le feras dans la joie, car c’est la récompense de ceux qui placent le don avant la possession, le service des autres avant le service de soi.

***

En retournant chez toi, retiens la leçon de Cléry.

Tranche, divise, sépare. Mets de la distinction dans la confusion. Mauvaises habitudes, mauvaises pensées, mauvaises relations : taille à grands coups, sans faiblesse.

Pour faire jaillir la lumière, pour choisir toujours la bonne Route !