Ce dimanche est appelé le dimanche du Bon Pasteur. L’épître et l’évangile d’aujourd’hui décrivent le Christ sous les traits d’un berger qui prend soin de ses brebis. L’image convient bien pour exprimer la nature du sacerdoce du Christ et celui des prêtres qui sont associés à sa mission. La parabole du Bon Pasteur nous fait comprendre en quoi consiste le ministère sacerdotal. La mission de tout berger se résume en trois actions principales : celle de rassembler les brebis en un seul troupeau, celle de les guider vers les pâturages et enfin de les nourrir. A ces trois fonctions correspondent les trois devoirs du prêtre que la Tradition a identifiés à la mission du Christ : gouverner, enseigner et sanctifier les fidèles. En ce dimanche du Bon Pasteur consacré, selon la coutume, à la prière pour les vocations, réfléchissons sur la triple mission du prêtre.

I Le devoir de gouverner les fidèles :

Le premier rôle d’un berger est de rassembler ses brebis en un seul troupeau. Au besoin, il va chercher celles qui se sont égarées et les protège des attaques grâce à son bâton bien caractéristique. La crosse de l’évêque en est le symbole, elle représente son pouvoir de gouvernement auquel le prêtre participe dans une moindre mesure. La partie supérieure de la crosse est recourbée pour rattraper la brebis qui, en s’échappant, s’est empêtrée dans les broussailles. Le berger, tout heureux de l’avoir retrouvée, la prend sur ses épaules et la ramène au bercail. L’autre extrémité de la crosse est munie d’une pointe qui sert d’aiguillon pour réveiller les brebis endormies et les faire avancer. De même le prêtre à qui est confiée une portion du troupeau de l’Eglise, a pour rôle d’exercer son autorité pour le bien des fidèles. Cela implique parfois l’usage de la contrainte pour corriger leurs défauts. Il prend également des directives en vertu du pouvoir dont l’Eglise l’a investi. Il arrive qu’elles paraissent contraignantes. Dans ce cas, il convient de se rappeler que les pasteurs ont reçu une grâce d’état pour savoir quels sont les moyens adaptés pour procurer le vrai bien des fidèles. A l’image du Christ, Pasteur suprême de nos âmes, le prêtre a la mission de soutenir, de stimuler et de conduire les fidèles jusqu’à Dieu. Sa charge est avant tout un service auprès des membres de l’Eglise. Sa responsabilité confiée au prêtre est une marque de confiance que le Christ lui offre. Le Seigneur ne craint pas de remettre entre ses mains le soin des fidèles pour lesquels Il a versé son Sang. C’est dire combien le Christ considère le prêtre non pas comme un serviteur mais comme un ami à qui il remet ce qu’il a de plus cher. Le ministre de Dieu a donc la charge de gouverner les fidèles en les protégeant et en les soutenant par son action et son exemple.

II Le devoir d’enseigner les fidèles :

La deuxième fonction du berger est d’indiquer aux brebis la direction à prendre et d’éviter qu’elles ne se perdent. De même le prêtre a pour rôle d’enseigner les fidèles en leur traçant le chemin du salut. Il y a là une urgence éducative qui s’impose aujourd’hui où l’on constate une grande confusion doctrinale[1]. On entend des discours qui se contredisent les uns les autres et cela dans la bouche de ceux qui sont censés éclairer les catholiques. De là beaucoup d’interrogations naissent dans les esprits : qui croire, à qui faire confiance, que penser ? Pour dissiper les doutes, le prêtre doit indiquer un chemin sûr en transmettant la doctrine de son Maître qui est « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 6). Il a pour mission de se faire l’écho de la voix du Bon Pasteur qui est l’unique Porte par laquelle on entre dans l’Eglise. En écoutant la voix du ministre de Dieu, les brebis reconnaissent celle du Bon Berger. Car la doctrine du prêtre n’est pas la sienne mais celle de Dieu qui l’a envoyé. «  Qui vous écoute, m’écoute », explique le Christ à ses apôtres. Comme le disait le pape Benoît XVI, le prêtre « a la grande tâche d’être l’annonciateur de la Parole du Seigneur, de la vérité qui sauve [2]». Il accomplit sa tâche quand il prêche les vérités qui sont nécessaires à la conversion et au progrès spirituel. Les fidèles sont aidés dans leur foi quand ils entendent comment s’éloigner du péché et par quels moyens grandir dans la vertu. Ils savent ainsi que les commandements de Dieu et de l’Eglise leur ouvrent grande ouverte la voie du salut.

Le prêtre trouve sa joie à les instruire car il sait que c’est le moyen le plus adapté pour mener le troupeau au Christ. Il ne se prêche pas lui-même mais se fait le serviteur de la vérité qui libère. Comme saint Jean Baptiste, « il rend témoignage à la lumière afin que tout homme croie » (Jn 1, 7) en Dieu et possède la vie éternelle. Il ne limite pas ses soins aux brebis qui font partie de l’Eglise, il s’adresse aussi à celles « qui ne sont pas de cet enclos » (Jn 10, 16). Par son apostolat, il s’efforce de les diriger vers l’unique bercail sous l’autorité de l’unique pasteur. Il prêche à temps et à contretemps leur indiquant la direction à prendre. Il s’adresse aux âmes livrées à elles-mêmes qui sont assoiffées de vérité. Son zèle le presse à retrouver les brebis perdues qui se sont laissées prendre dans les filets des mercenaires. Ici s’ouvre un champ immense d’apostolat où la charité peut s’exercer de multiples façons.

III Le devoir de sanctifier les fidèles :

La troisième fonction du berger consiste à nourrir les bêtes de son troupeau. En hiver, il leur donne du fourrage et au printemps il les conduit sur les gras pâturages. De même, le prêtre a pour mission de sanctifier les fidèles en leur administrant les sacrements. Il les nourrit de la grâce qui restaure les forces de l’âme et accroît la santé spirituelle. Il dispense de la sorte la vie du Christ ressuscité qui les vivifie surnaturellement. Les fidèles s’alimentent de la grâce qui découle de chaque sacrement. Ils obtiennent alors un surcroît de vie divine ou bien ils la retrouvent, s’ils ont eu le malheur de la perdre par leur faute. On constate combien le sacerdoce est indispensable à la vie de l’Eglise. Et les circonstances actuelles nous le font sentir plus nettement encore. Sans le prêtre, les fidèles errent sans être guidés, ils sont dépourvus du Pain de vie et des remèdes qui guérissent l’âme du péché. Comment ne pas penser ici à « la charité pastorale [3]» dont certains prêtres ont fait preuve dans l’épidémie qui nous frappe. Je pense en particulier à six prêtres italiens de la ville de Bergame qui, le mois dernier, ont contracté la maladie et sont morts du virus pour avoir administré les sacrements à leurs paroissiens malades. A l’image du Christ, ils ont offert leur vie pour leur troupeau. Ils ont été configurés au Bon Pasteur et ont fait preuve du plus grand acte de charité qui existe. En effet, comme l’évangile l’enseigne : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ».

« Prions le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers. La moisson est abondante, et les ouvriers peu nombreux » (Mt 9, 37-38). Demandons à Dieu que des jeunes gens entendent l’appel du Christ à Le suivre. N’est-il pas enthousiasmant de travailler pour le salut des âmes ? Pour celui qui se sent appelé par Dieu, qui est-il donc pour oser refuser cet appel ? Prions pour que les familles soient des lieux où les vocations germent et s’épanouissent. Ce sera le cas, si l’on apprend aux enfants l’esprit de sacrifice. Habitués au don de soi, ils sauront répondre avec générosité à l’appel de Dieu. Il leur sera facile de s’oublier pour s’engager par amour du Christ et paître son troupeau. La soif d’héroïsme qui habite le cœur de beaucoup de jeunes trouvera un vaste champ d’action dans le ministère sacerdotal. Ils dépenseront leurs forces à arracher de l’enfer les âmes en voie de perdition et transmettront le salut qui vient de Dieu. Ils trouveront leur joie à continuer l’action du Christ auprès des fidèles en les gouvernant dans un esprit de service, en leur enseignant la foi et en les sanctifiant par les sacrements.

Père Bertrand-Marie Guillaume

[1] Cf. Benoît XVI, Le prêtre, don du Cœur du Christ, Traditions Monastiques, 2011, p. 49.

[2] Benoît XVI, op. cit., p. 54.

[3] Cf. Jean-Paul II, Pastores dabo vobis, exhortation apostolique post-synodale, 1992, n° 23.